Crépuscule à l’hôtel de Brienne

Paris –  Août 1945. Dans la chaleur étouffante de cet été caniculaire, le procès du maréchal Pétain touche à sa fin. Le général de Gaulle, à la tête du Gouvernement provisoire de la République française, reçoit une visite inattendue : celle du maire de Beaune. Un dialogue s’ouvre entre les deux hommes autour d’une bouteille de la Cuvée des Dames Hospitalières. Mais l’échange prend une tournure singulière… Quelles surprenantes révélations recèle donc ce délicieux flacon ?

Charles de Gaulle

L’homme était réputé pour son austérité, sa façon quasi militaire de gérer les repas. Jamais plus de quarante minutes en privé, une heure maximum pour les dîners officiels.

La nourriture et le vin étaient des préoccupations secondaires pour le Général. Il se souciait fort peu de ce qu’il mangeait et encore moins de ce qu’il buvait. De sorte qu’à choisir, il valait mieux être invité à la table de Churchill qu’à celle de De Gaulle.

Une fois à l’Elysée, il a laissé à son personnel le soin d’organiser les repas officiels et les vins qui y étaient servis. Sa seule exigence était que seuls des alcools et vins français soient proposés : sous sa présidence, le whisky sera proscrit à l’Elysée !

Image : Général de Gaulle en 1945- Source : The National Archives UK (CN 4/19)

Roger Duchet

Natif de la région lyonnaise, Roger Duchet s’installe à Beaune en 1928.

À 28 ans, il est élu maire de Beaune en 1932 sous l’étiquette Radical-socialiste. Il est alors le plus jeune maire de France. Il sera également élu conseiller général Côte-d’Or puis sénateur.

Fervent supporteur du régime de Vichy durant l’Occupation, il participe activement au don de la parcelle des Theurons au maréchal Pétain.

Il est destitué de son mandat le 9 septembre 1944 par le comité local, mais n’est pas sanctionné par la commission d’épuration du comité départemental.

Il redevient maire de Beaune dès avril 1945, obtenant 25 élus sur 27 au premier tour des élections municipales : sa liste, intitulée “liste d’action républicaine et sociale”, fait référence au général de Gaulle et prône l’unité nationale. Elle est composée, selon un équilibre particulier, d’authentiques résistants et de douze membres du conseil nommé par Vichy.

Par la suite, il créa avec René Coty, le Centre national des indépendants (CNI, un des principaux partis français des années 50 et 60 ) et sera secrétaire d’état et ministre de plusieurs gouvernements.

Image : Roger Duchet, sénateur-maire de Beaune, en 1957 à la vente des Hospices de Beaune – Source : Le Bien Public- Crédit : Photo d’archives LBP

Philippe Pétain et le « Clos du Maréchal »

On connait peu les goûts de Philippe Pétain en matière de vin. Tout juste sait-on qu’il accepta d’écrire en préface du livre  » Mon Docteur Le Vin » de Gaston Derys – magnifiquement illustré par des aquarelles de Raoul Dufy – l’ « Hommage au Vin » suivant :

« De tous les envois faits aux armées, au cours de la guerre, le vin était assurément le plus attendu, le plus apprécié du soldat. Pour se produrer du « pinard », le « poilu » bravait les périls, défiait les obus, narguait les gendarmes. Le ravitaillement prenait, à ses yeux, une importance presque égale à celle du ravitaillement en minutions. Le vin a été pour les combattants le stimulant bienfaisant des forces morales comme des forces physiques. ainsi a-t-il largement concouru, à sa manière, à la Victoire. »

Plus tard, dans sa France de Vichy, il fera de la vigne un symbole éclatant de la Révolution Nationale qu’il appelait de ses voeux. C’est dans logique qu’une délégation de Côte d’Or, à laquelle Rocher Duchet prend part, vient lui faire don le 29 Mai 1942 à l’Hôtel du Parc de Vichy de la parcelle des Teurons.

Le maréchal se montre très honoré de ce don, dont il recevra les fruits. a spécifié qu’à sa mort il désirait que cette vigne soit léguer aux Hospices de Beaune et à et me le permets ce poire de pouvoir venir visiter un jour son nouveau domaine.

En Novembre 1944, la récolte de 1943 est rétrocédée aux Hospices et en mars 1946, le conseil d’administration des Hospices de Beaune annule sa vente de mai 1942. Cette annulation est confirmée quelques mois plus tard par un tribunal civil. Entre-temps les notables locaux proposent d’offrir le clos au Sauveur de la France : le général de Gaulle !

Image : Philippe Pétain. Photographie officielle couleur titrée sur papier, imprimerie Draeger, 1941- Source : Wikimédia Commons

La Cuvée des Dames Hospitalières

Chaque année a lieu a Beaune la fameuse Vente des Hospices. La première vente remonte à 1859 et sa réputation devient mondiale en 1924.

Il s’agit de la vente des vins issus du domaine des Hospices de Beaune, constitué de plus de 60 ha de vignes en production, dont près de 85% en premiers et de grands crus. Ces vignes proviennent de généreux donateurs qui les ont léguées au fil des cinq siècles et demi qui nous séparent de la fondation de l’Hôtel-Dieu de Beaune en 1443 par Nicolas Rolin – le chancelier du Duc de Bourgogne – et son épouse Guigone de Salins pour venir en aide aux « pauvres malades ».

Les cinquante cuvées de prestige obtenues chaque année (33 rouges / 17 blancs) sont vendues l’année même sous forme de pièces, soit près de 400 à 600 fûts de 228 litres (soit 288 bouteilles par fût après l’élevage) sous forme d’enchères traditionnelle – à l’origine « à la bougie », désormais abandonnée – le troisième dimanche de novembre. Il s’agit de la vente de charité la plus célèbre au monde. Les revenus tirés de cette vente servent à l’entretien du patrimoine des Hospices, ainsi qu’à la modernisation des équipements et bâtiments hospitaliers.

Il est de tradition que la vente des Vins des Hospices de Beaune débute par la mise aux enchères de la cuvée des Dames Hospitalières. Elle porte le nom des religieuses qui s’occupèrent des malades dès la fondation des Hospices au XVème siècle. La Cuvée est constituée intégralement de vignobles de Premier Cru, principalement Les Bressandes (où toutes les vignes datent de 1985, ou avant), la Mignotte et Les Teurons.

Image : Cour et toits de l’Hotel Dieu à Beaune- Source : Wikimedia Commons- Crédit : Stefan Bauer

Le vin a été pour les combattants le stimulant bienfaisant des forces morales comme des forces physiques: ainsi a-t-il largement concouru, à sa manière, à la victoire.

Philippe Pétain
Hotel Brienne
Brienne depuis les Jardins
Brienne côté Jardin

Source : Twitter @ArcDeTriomphe

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Bureau CDG
Le bureau de De Gaulle
au premier étage de l'hôtel de Brienne
Crédit Photo : Twitter @ArcDeTriomphe

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CDG Jeune
Charles de Gaulle

Source : Flickr commons

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Procès Pétain
Pétain lors de son procès
Source : Wikipedia Commons

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Combat
La Une de Combat du 15 août 1945

Source et crédit : Gallica

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Duchet
Roger Duchet
Le maire de Beaune, Roger DUCHET (à gauche), accueille M. BULLIT, ancien Ambassadeur des Etats-Unis, sur le parvis de l'Hôtel-Dieu. 8 septembre 1945.
Source et Crédit : Archives de Beaune

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Hotel Dieu
La cour de l'Hôtel Dieu
La cour pavée et les superbes toits en tuiles plates vernissées
Source et crédit : Wikipédia Commons

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Le Clos
Le Clos du Maréchal Pétain
Le mur et une des bornes avec la francisque et les lettres Ph P marquent les limites du clos
Source et Crédit : Blog de JACQUES BERTHOMEAU

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Etiquette Clos
Etiquette du Clos du Maréchal Pétain

Source et crédit : Nicolas MANGINOT

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Principales Sources :

  • Jean Vigreux – « Le Clos du maréchal Pétain » – Editions PUF
  • Jean Lacouture – « De Gaulle » – Editions Seuil
  • Jean-Marc Varaut – « Le Procès Pétain » – Editions Perrin
  • Herbert Lottman – « De Gaulle/Pétain, règlements de comptes » – Poche
  • Charles de Gaulle – “Traits D’Esprit – choisis par Marcel Jullian” – Editions le Cherche Midi
  • France 2 – « Visite Privées – Hôtel de Brienne »
  • Gaston Derys – « Mon docteur le vin » – Draeger Frères
  • Corinne Lefort & Karine Valentin – « Grands Palais » – Editions les Idées Claires
  • Christophe Lucand – « Le vin et la Guerre » – Editions Ekho
  • Site des Hospices Civils de Beaune : http://hospices-de-beaune.com/
  • Archives de la ville de Beaune : http://www.beaune.fr/