Rendez-vous à Pontack’s Head

Angleterre – Printemps 1686. Newton est sur le point de publier ses Principia Mathematica, un ouvrage à la portée phénoménale dans lequel il expose notamment la loi de la gravitation universelle. Mais Robert Hooke, savant éclectique et membre éminent de la Royal Society de Londres, revendique la paternité de cette découverte. Edmond Halley, appuyé par d’autres scientifiques et philosophes de renom, tente une conciliation autour du meilleur vin de l’époque, servi à la taverne londonienne du Pontack’s Head : le Château Haut-Brion.

Isaac Newton

L’homme dont les découvertes ont permis d’explorer les confins du système solaire n’a sans pas quitté, de sa vie entière, un cercle de 100 miles autour de Cambridge, la ville universitaire où il a écrit l’essentiel de son oeuvre scientifique. Il n’a visité aucun pays étranger et n’a sans doute jamais vu la mer.

« Je me suis comporté comme un enfant jouant sur le bord de la mer et qui s’est amusé à chercher de temps en temps un galet plus lisse que les autres et un coquillage plus joli qu’à l’ordinaire tandis que le grand océan de vérité s’exposait à moi entièrement inconnu. »

Isaac Newton

Celui qui a établi de la plus éclatante manière l’harmonie et les relations fondamentales qui régissent l’Univers semble n’avoir jamais accepté les règles qui s’appliquent aux relations humaines et qui sont gages d’une certaine harmonie entre les hommes..

Il faudra attendre l’achat de manuscrits par le grand économiste Maynard Keynes en 1936 pour découvrir des pans méconnus de Newton : ses travaux sur l’alchimie et la théologie.

Le génie de travaux de Newton en Optique et en Physique est tel qu’il est souvent regardé comme le plus grand scientifique de tous les temps. Les textes laissés par Issac Newton sont aussi considérables en volumes : environ 10 millions de mots ( plus de 35 000 pages de livres de poche !), dont environ la moitié sur des considérations religieuses, 1 million sur l’alchimie, 1 million sur ses travaux en temps que Master of the Mint (« Directeur de la Monnaie » du Royaume-Uni, poste qu’il occupa avec tout le sérieux dont Newton était capable de 1699 à 1727) et le reste (3 millions de mots) en écrits scientifiques, essentiellement en physiques et en mathématiques.

Ses écrits laissent transparaître un caractère paranoïaque, opiniâtre, obsessionnel. Il fut toute sa vie allergique à la critique. Certains estiment à leur lumière que Newton était atteint du syndrome d’Asperger.

Il semble que Newton s’intéressait peu aux plaisirs terrestres. Il n’aura pas de relation charnelle avec une femme de toute sa vie, et sans doute voyait-il la nourriture et les boissons uniquement comme une source de subsistance. Il est néanmoins fort probable qu’il fréquentât la taverne du Pontack’s Head, et qu’il y but les vins de Haut-Brion.

Dans l’une de ses études théologiques, il prédit que la fin du monde surviendra en 2060.

C’est à nouveau Keynes qui, en publiant en 1942 « Newton, The Man » pour le tricentenaire de sa naissance invita à regarder l’homme, en plus du génie.

Le conflit qui l’opposa à Robert Hooke, présenté succinctement dans la nouvelle, fut bien réel. Son intensité fut telle qu’il attendra la mort de Hooke pour publier des travaux sur l’optique.

Membre de la Royal Society l’année de ses trente ans (en 1672), il en deviendra Président à 1703 et le restera jusqu’à sa mort.

Image : Peinture de Isaac Newton par Barrington Bramley, d’après G. Kneller – Source : Wikipedia Commons

Robert Hooke

Peu de gens connaissent aujourd’hui le nom de ce formidable scientifique pluridisciplinaire anglais. Au mieux les collégiens apprennent-ils qu’on lui doit le mot de cellule pour désigner les unités constitutives du vivant et certains étudiants entendent sans doute parler de son ouvrage Micrographia et de la loi qui porte son nom en mécanique des ressorts.

Ses contributions à la science du XVIIème siècle furent pourtant considérables et incroyablement diversifiées. Doué d’un sens pratique aiguë, ses travaux en astronomie, en architecture, en optique, en mécanique …. font encore référence aujourd’hui.

Il énonça avant Newton les principes de la gravitation universelle mais, comme l’écrivit le mathématicien Clairaut au XVIIIème siècle : « L’exemple de Hooke sert à faire voir quelle est la distance entre une vérité qui est entrevue, et une vérité qui est démontrée » .

Les extraits de lettres échangées – parfois par l’entremise de la Royal Society et de son premier secrétaire Henry Oldenburg – entre les deux hommes présentés dans la nouvelle, dont le fameux « Si j’ai vu plus loin, c’est en montant sur les épaules de géants », sont exacts.

On ne connait pas de portait d’époque de ce philosophe. Il est dit – sans preuve – que Newton, une fois devenu Président de la Royal Society fit détruire des portraits de son rival.

Image : Portrait de Robert Hooke par Rita Greer – Source : Wikipedia Commons

Edmund Halley

Halley est surtout connu pour avoir été le premier à avoir déterminé la périodicité de la comète de 1682, qu’il fixa par calcul à 76 ans environ.

Il mourut en 1742, 16 années trop tôt pour voir sa prophétie vérifiée : le 25 décembre 1758, la comète fut observée à l’endroit exact où l’avait prédit Halley par un observateur près de Dresde.

Un autre intervention de Halley décisive pour la science fut le rôle qu’il joua dans la publication des travaux de Newton sur la gravitation. C’est en effet lui qui parvint à tirer Newton de son mutisme et l’incita à publier ses travaux, tel qu’indiqué dans la nouvelle.

La Royal Society étant alors empêtré dans les coûts démesurés pour imprimer l’ouvrage Historia Piscium de Francis Willughby, Halley pris a sa charge la publication des Principia Mathematica de Newton.

Image : Portrait de Edmund Halley par Thomas Murray – Source et Crédit : Wikipedia Commons

Château Haut-Brion

Le Château Haut-Brion se situe sur la commune de Pessac, en appellation Pessac-Léognan. Sa silhouette reconnaissable entre toutes est représentée sur l’étiquette des bouteilles, elles-mêmes au galbe si particulier. C’est un des quatre 1er Grands Crus Classés de 1855 en Vins Rouges de Bordeaux.

Le domaine a été constitué à partir de 1525 par Jean de Pontac. En 1649, Arnaud III de Pontac, devient propriétaire de Haut-Brion. Quatre ans plus tard, il est premier Président du Parlement de Bordeaux, et l’ascension de cette famille atteint alors son apogée.

Il fait mettre au point des techniques de conservation, tels que sulfitage, l’ouillage et le soutirage, lui permettant de commencer à faire vieillir ses vins et à déceler les vertus du terroir. Il élabore ainsi un nouveau type de vin rouge dénommé « New French Claret » par les consommateurs anglais qui, pour la première fois, se bonifiera en vieillissant et imposera le style des grands vins rouges actuels.

Le livre de cave de Charles II d’Angleterre confirme la présence de bouteilles de « Hobriono » à la table royale, dès 1660. Cette référence historique fait, très vraisemblablement, de « Haut-Brion » le premier vin dont la marque est spécifiée dans les archives nationales du Royaume-Uni et la marque de luxe la plus anciennement attestée au monde.

En 1666, Arnaud III de Pontac envoie son fils François-Auguste, accompagné d’un chef français, dans la capitale anglaise. Ils y ouvrent une taverne haut de gamme baptisée “Pontack’s Head”, d’après un portrait de Pontac Père accroché à la porte. Il devient immédiatement «… le seul établissement à la mode de tout Londres… » et cumule les fonctions de taverne, restaurant et épicerie fine. Pontac y vend ses Haut-Brion à prix fort – 7 shillings la bouteille, contre les 2 shillings habituels pour tout autre vin. L’établissement, qui sert du Haut-Brion et une cuisine beaucoup plus élaborée que dans les tavernes londoniennes de l’époque, est le lieu de rendez-vous des intellectuels, aristocrates, artistes, écrivains et amateurs de vin. La Royal Society pendant des années tiendra dans cette taverne ses dîners des grandes occasions.

Image : La capsule de la Cuvée Sir Winston Churchill – Source et Crédit : Maison Pol-Roger

Si j’ai pu voir plus loin, c’est que je me tenais sur les épaules de géants

Isaac Newton – Lettre à Robert Hooke
Télescope

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RS Coat of arms
Le blason de la Royal Society
avec sa devise Nullius In Verba
Source : Wikipedia

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Micrographia_hooke
Micrographia
Ouvrage de référence de Robert Hooke
Crédit Photo : National Library of Medicine

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Micrographia Cell
La première Cellule
Pour décrire ce gros plan d'écorce de chêne liège, Robert Hooke employe pour la première fois le mois "Cellule"
Source : National Library of Medicine

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Poissons
Couverture de Historia piscium
Le livre de Francis Willughby qui faillit compromettre l'édition des Principia de Newton
Source : Wikipedia Commons

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Pincipia Title
La première édition des Principia Mathematica
de Isaac Newton, qui révolutionnent les lois de la physique et la compréhension de l'Univers
Source : Wikipedia Commons

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Trinity
Trinity College, Cambridge (UK)
où Newton vécu et enseigna
Source : Wikipedia Commons
Crédit : Cmglee

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woolsthorpe
Woolsthorpe Manor
Maison où Isaac Newton grandit, avec son célèbre pommier au premier plan
Source et crédit : National Trust

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Letter Giants
Sur les épaules des Géants
Lettre de Newton à Hooke où il écrit "Si j'ai pu voir plus loin, c'est que je me tenais sur les épaules de géants"
Source et Crédit : HSB.org

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Arnaud 3 de Pontac
Arnaud III de Pontac
Il devient propriétaire de Haut-Brion en 1949. Il est aussi premier Président du Parlement de Bordeaux. En 1666, il envoie son fils François-Auguste, à Londres en pleine reconstruction (après le grand incendie de Londres) pour ouvrir Pontack’s Head

Source & Crédit : Domaine Clarence Dillon

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Chateau HB
Le château Haut-Brion
Fière bâtisse du XVIème siècle, dont la silhouette est reprise sur les étiquettes .

Source et Crédit : Domaine Clarence Dillon

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Bouteille
Bouteille de Château Haut-Brion

Source et Crédit : Domaine Clarence Dillon

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Principales Sources :

  • James Gleick – « Isaac Newton : un destin fabuleux » – Editions Dunod

  • Jean-Pierre Romagnan – « Robert Hooke et Isaac Newton : la pomme de la discorde. » Reflets de la Physique, EDP sciences, 2014, 40, pp.20-23. ffhal-0106191
  • The Newton Project : http://www.newtonproject.ox.ac.uk/
  • Jean-Pierre Luminet – « La Perruque de Newton » – Editions JC Lattès

  • Stefan K. Estreicher – « Wine: From Neolithic Times to the 21st Century » – Algora Publishing
  • C. Ludington – « The Politics of Wine in Britain: A New Cultural History » – Springer
  • Site web de la Royal Society : https://royalsociety.org/

  • Site web du Château Haut-Brion :  https://www.haut-brion.com/

  • British History Online : https://www.british-history.ac.uk/
  • Wikipédia

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